Paccard
It's always nice to get a promo CD, and it's even more nice to get a piece
of paper with some extra information, but if this information is all in French,
then it's a bit problematic for my mediocre high school French. So don't get
me wrong, but here is what I think this CD is all about: Eric La Casa recorded
the sound of bells at a place were they make them in Sevrier and Annecy in
France)
and then set himself to compose a few sound pieces with those sounds. After
that he passed on the sounds to Slavek Kwi (whom we know as Artificial Memory
Trace,
but in the world of labels releasing CDs like this, it's more serious to go
by your own name), who composed some more music with these sounds, ulminating
in a collaborative sound piece by the two. Eric La Casa produces in a very
strict soundscaping field. It's very hard to detect any sort of sound processing
in
his pieces. He seems to be layering just sounds over each other and mixes them.
It's very filmic and open muisc he does. Great recordings that picture for
you what it is. You can see all these machines, means of production, labor
before
you. A soundtrack. Slavek Kwi of course is different. He uses much more sounds
in small portions and builts less of a linear sound collage, but is more abrupt
in his changes and adds tiny bits of electronic sound processing, almost always
were needed; otherwise he leaves them out. The collaborative piece between
the two is nice, and shows these two different approaches. Nice but the point
was
already made. VITAL WEEKLY, number 314, week 9
A fascinating work which derives from recordings of a bell foundry in France.
Eric La Casa recorded considerable yardage of tapes in that lively environment,
capturing what he may, and mosdy represents these back to the audience as "Incandescence'
parts 1-3", thus delivering to my mind the more successful half of dlis work.
He renders a very strong sense of place, of a real and physicallocation the
first cut translates as 'HERE', and that 'hereness' is very strongly expressed.
And
that isn't just through the use of loud volume (although you get that too).
He worked out a tripartite composition, based on three ways of listening to
this
space; through acoustic science, he had 'regard for the spatial qualities'.
Although the opening moments of 'Ici' may mislead you into thinking that every
random
moment is thoughdessly captured, in fact it becomes ciear that the opposite
applies. Selected information is crammed into a sonic trame. Hissing, bells,
ciattering
and thumping ofworkmen moving around, performing their ancient mystery. The
familiar becomes alien, then grows familiar again. I envisage a giant conveyor
belt leading
outside the foundry and carting a heavenly procession of enormous bells up
!O the stars.
La Casa's stated aim is to 'interrogate our perception of the real' and build
up a 'dialogue between the outside and the inside'. The interior workings of
his mind and body are just as much a part of this work. Indeed, the quiet slow
and immersive work will massage your guts as much as it intrigues your cerebellum;
it's physicallyand intellectually demanding here in the foundry. La Casa's tapes
have been further treated by Slavek Kwi on part tWo of the record, on his 'Bellios'
parts 1.11. Not quit~ as immediately fascinating, Kwi's work exhibits a taste
for overabstraction. No reference to the original source is discernable, and
ultimately the music is largely emptied of aIl content in favour of textural
experimentation.
However, this separation was aIl part of the plan; Kwi didn't visit the foundry
himself, and wound up only knowing whatever La Casa told him in sound. 'He chooses
not to listen to Eric's composition', it says here, and he picked up aIl the
tape segments that didn't make it into the fjnal cut of 'Incandescence' to realise
his work.
The 'ouvriers de la fonderie' are thanked for their co-operation in this work,
although it's ciear that La Casa isn't interested in presenting anything other
than a one-step removed aesthetic experience - he's not making a documentary.
This is reflected in the choice of imagery for the sleeve - photos that privilege
the texture, light and shade of a cast bell's rough surface, over images of the
workmen. Which isn't to say rd prefer anything else. Interestingly, the final
step of the work was for both musicians to play back their pieces to the workers
in the very foundry they'd been recorded in - for which kindness, the workers
prompdy seized the artists and threw them, shrieking, headlong into a cauldron
of boiling bronze.
ED PINSENT 20/10/2002 The Sound Projector E11eventh Issue 2003
ERIC LA CASA
PORTRAIT DE LA FONDERIE EN LIEU DE VI(D)E by
J.P. Gavard-Perret.
La Casa est un parfait théoricien : il est capable d’entreprendre
une réflexion sur le sens à donner au son qui “ sert ” à, écrit-il, “ investir
la réalité pour aller au-dedans de ses phénomènes
quotidiens, des plus intimes au plus macroscopiques ”. Au prise avec
les ateliers de la Fonderie Paccard (d’Annecy (une des fonderies de
cloches les plus réputées au monde) on pouvait penser (craindre)
que l’artiste allait nous transférer du côté du
macrocosme tant les cloches par à la fois leurs sonorités et
leurs “ ambitions ” cérémoniales généralement
pompeuses pouvaient diriger vers un espace de grandes largeurs tant sonore
que géographique. D’où la surprise (agréable) à l’écoute
de “ Ici 2 ” et des trois parties d’ ”Incandescence ”.
Dans cette perspective blanchotienne à laquelle il demeure fidèle
: dans la proximité faire le jeu du lointain et dans le lointain faire
le jeu de la proximité, La Casa rameute un paysage sonore inédit.
Inédit est bien le mot car il se situe, certes, à la jonction
de divers univers musicaux mais il s’en dégage tant et si bien
qu’on ne peut qualifier ou ranger l’oeuvre de La Casa sous une étiquette
ou un label.
Se servant des bruits, captant non seulement l’atmosphère sonore
d’un lieu à un instant mais dans le mouvement, projetant cet
univers géophonique ainsi capté du côté de quelque
chose qui s’approche de ce qu’on a appelé le minimalisme,
le créateur nous plonge dans un univers perceptif qui nous décale.
Nous ne sommes plus du côté des chasseur de son ou des “ tripoteurs ” de
données sonores brutes, nous ne sommes pas plus dans une pure sérialité ou
expressionnisme de musiques purement travaillées derrière un
abri électronique. Certes le travail de Collectif & Cie n’est
pas pour rien pour la réussite de Incandescence mais on retrouve une
fois de plus la composition chère à La Casa qui face aux alternatives
du temps trouve sinon un moyen de réunir diverses tendances du moins
la façon de parachever des univers sonores qui trop souvent ailleurs
semblent incomplets, inachevés.
Intéressé par tout ce qui fait la matérialité physique
d'un "corps sonore" et par ce qui est liaison ou enchaînement,
et donc déplacement entre toute chose vivante, la captation des sons
relève chez lui de la réalité visible (qui induit un
monde imagé, spatial), et révèle celle microscopique
qui échappe habituellement à notre perception mais que l'attention
pressent et est presque en droit d’attendre.. La composition demeure
donc fonction de ce réel multiple, de cette "densité du
réel. qui ouvre sur "les strates de l'écoute". En
conséquence, chez La Casa, chaque son n’est pas seulement une
note, il est la résultante d’un présent, d’un milieu
(ici la fonderie). D’où ce langage "géophonique" qui échappe à l’oreille
du chasseur de sons. On est une nouvelle fois ici non pas dans un univers
de sonothèque mais en un univers dans lequel un transfert a lieu,
où des nouveaux réseaux sonores se bâtissent.
Mais la prouesse technique de l’artiste est surtout sa capacité à remettre
du vivant dans la musique. Pas du vivant de manière platement réaliste
mais dans sa capacité à reprendre un univers donné pour
lui donner une autre dimension. mais là encore pas de fausse piste
: La Casa ne nous oriente pas vers la “ pure âme ” (ce
qui pourtant aurait pu facilement s’opérer dans la fonderie
annécienne). Non la musique de la Casa, dans sa ténuité même,
reste d’ici. Ce que l’artiste laisse subsister et qui ne soit
pas de trop, ou rien, ne regarde plus l'"amer savoir" de tout un
chacun. Il nous entraîne dans des sortes de labyrinthes qui sont aussi
des sortes de trappes qui permettent de laisser deviner, de paliers en paliers,
de seuils en seuils, non des réponses ou des conclusions, mais, sans
cesse de nouvelles questions.
L'oeuvre
- comme les oeuvres antérieures - ne ferme donc pas, ne
se referme pas sur un prétendu "tout" : elle demeure ouverte
en un travail où l'artiste explore en doutant ce que peut encore dire
l'oeuvre. Elle sera, toujours, à ce titre, qu'une approximation, sans
doute de plus en plus précise, mais une approximation tout de même.
Elle demeure, cependant, capable de rendre capable de redéfinir la
limite instable l’audible et l’inaudible, le perçu et
le non perçu, la musique et le “ bruit ”;, le concret
et l’abstrait. La Casa n'a donc qu'un but : tenter de faire l'inventaire
sonore le plus précis possible, le plus profond aussi, un inventaire
par où l’expérience de l’extérieur est repris
en compte par une “ oreille interne ” capable de restituer la
face cachée des bruits.
Cette expérience est à la fois des plus simples et des plus
sophistiquées. On comprend que dans une telle recherche le créateur
ne peut se contenter de l'à-peu-près. C'est son défi
et la valeur suprême de cette musique qui coupe l’herbe sous
le pieds aux a-priori. Le son sort ainsi de la cendre, des scories vers une “ pureté ” mais
d’ici-même, d’ici-bas. S’atteignent ainsi les choses
qui ne peuvent avoir un nom, qui ne peuvent avoir d'image. A ce titre on
peut presque dire que le son devient la voix des silences là où l’on
s’attendait pourtant à n’entendre que bruit et fureur.
Dans l’univers froid (apparemment) que définit incandescence,
c’est les sons soudain qui deviennent ainsi des pointes de silence,
des modulations d’intensités d'une voie en gestation plus profonde
et majeure et qui permet de s'extirper de bien des leurres et bien des illusions
de ce qu’on appelle le son vivant. Loin de toute théâtralité,
de toute éloquence, l'oeuvre tente donc la corrosion du langage sonore
pour le réajuster, au mieux, pour que quelque chose de la vie fonctionne, à travers
ces suites d'écarts et d'écartement.
Circuler dans l'oeuvre de La Casa revient, sans doute, à circuler
dans un dédale. Mais cette "visite" vaut plus qu'un détour.
Dans ce sanctuaire quelque chose se passe car il ne s'agit plus de : traquer
les apparences mais de tenter d'authentifier une donnée impondérable.
Dès lors les cloches ne sont qu’un prétexte, un rappel
qui ponctue ça et là une oeuvre dont l’esthétique
a pour objet de reconstruire. Le son chez La Casa à ce titre, dépasse
la vieille distinction entre l'énonciatif et le perforatif, le créateur
la remplace par une énonciation perforatrice, un mise en onde sonore
active qui donne à la notion de son tout son sens.
Pour La Casa il ne suffit plus de se contenter de composer il faut réinvestir
le monde par la collecte des sons qui sont redistribués. Il s’agit
de réinventer un courant sonore alternatif dont l'organisation et
les polarités possèdent un langage bien particulier. Ainsi
plus que usine à brouhahas la fonderie devient une image presque muette,
ou plutôt qui appelle le vide comme horizon de son audibilité.
Nous sommes habitués à associer le terme de musique concrète à quelque
chose de spectaculaire, d'éloquent, de l’ordre de l’excroissance.
La Casa à l’inverse la considère comme un événement
discret, même minime, qui mène à l'écoute de nappes
phréatiques quasi-silencieuses. Le musicien devient ainsi celui qui
tourne dans le silence sans pouvoir renoncer à le décrire ou
plutôt à le faire parler. Et sans doute parce qu'il y a là une
urgence: celle qui pousse à dépasser, chaque fois, l'apparence
des sons, sans quoi la musique (comme l'art) n'est rien, rien que trucs,
vieilles ficelles et mensonges. C'est parce que le bruit en tant que source
sonore est “ repris ” que surgit, en germe, la virtualité d'une
autre sonorité, au profond de l'être.