Magnetic Traces - various artist - a survey of french and australian sound art


Interrogeant les rapports complexes entre environnement et spectre sonore, Magnetic Traces documente l’exposition du même nom qui s’est tenue à Melbourne pendant l’été 2009 et offre à l’écoute un panorama franco-australien aux dimensions multiples.
Investigateurs minutieux des espaces sonores naturels ou construits, Eric La Casa (Paris) et Philip Samartzis (Melbourne) devaient logiquement se rencontrer. Fruit de leur partenariat, le prometteur label Swarming sort un disque regroupant treize artistes aux modes opératoires chevauchants, privilégiant la manipulation de field recordings et la spatialisation du son. Au premier abord, ce disque n’incite pas forcément à s’y plonger pour plusieurs raisons : le principe de la compilation qui produit des résultats hétérogènes, la transposition de l’installation sonore à l’écoute domestique qui s’accompagne souvent d’une perte de sens et, enfin, l’aspect « art sonore » qui, lorsqu’il est ostensiblement revendiqué, n’inspire pas toujours confiance (l’a priori demeure à la lecture des notes de pochette dont la pédagogie semble destinée aux attachés culturels d’on ne sait quelle institution, citations obligatoires de Deleuze et Attali incluses). C’est donc le sourcil froncé que l’on glisse le CD dans le lecteur… pour rapidement voir ses réticences se dissiper !

La diversité des propositions s’accompagne d’une belle cohérence dans leur sélection et leur agencement, faisant miroiter des facettes qui se révèlent complémentaires. L’attention extrême portée au traitement des matières, l’amplitude dans les fréquences, la prolifération maîtrisée des informations et les jeux de contraste forment un dénominateur commun à la majorité des pièces ici rassemblées. Parmi les moments forts, on citera « Insect Woman » de Samartzis où des stridulations de sauterelles sont progressivement gagnées par des flux d’air pulsé, des grincements métalliques et des bribes méconnaissables de la voix de Haco. Ces mêmes mouvements d’air, on croit les entendre à nouveau au début de la pièce de La Casa (« Zone sensible ») qui déploie un subtil crescendo au cours duquel le vrombissement d’une nuée d’abeilles finit par former une masse grouillante et débordante d’aspérités.
Jean-Luc Guionnet fournit deux excellentes contributions. La première, en duo avec Marc Baron, présente un montage tendu où se mêlent bruit de fond remontant à la surface par à-coups, slaps sporadiques de saxophone et tonalités riches en particules. Dans la seconde, Guionnet dresse le portrait d’un lac (celui d’Annecy d’après une voix saisie à la volée), un peu comme Lionel Marchetti l’avait fait jadis pour un glacier, c’est-à-dire en contournant soigneusement l’écueil de l’illustration pour livrer un cheminement très personnel, empruntant des tunnels, arpentant la neige fraîche, dérivant sur des embarcations et en disant plus sur son auteur que sur la topographie lacustre.
D’autres paysages sonores développent une trame narrative. C’est le cas du travail de Tarab (Eamon Sprod) qui juxtapose avec un naturel confondant tourbillons de feuilles balayées par le vent, grondements dramatiques, gouttière ruisselant sur une carcasse rouillée et déplacement d’objets lourds dans un entrepôt résonnant. Avec une sensibilité proche, Thomas Tilly propose une construction nuancée en ouvrant les fenêtres de son habitat, parcourant l’interface dedans/dehors à partir de sons quotidiens.
Des pièces pourraient d’avantage être qualifiées d’atmosphériques, notamment celles, très belles, de Lizzie Pogson et de Cédric Peyronnet qui font preuve d’une étonnante proximité avec des tonalités diffuses qui se propagent subtilement en nappes enveloppantes et dans lesquelles se nichent, avec beaucoup de raffinement, des timbres instrumentaux (notes de clavecin, échos de bols tibétains) et d’autres détails minuscules. Le duo formé par Anthea Caddy et Thembi Soddell exhibe, quant à lui, une « Intimate Geometry » tout en brume dont la densité texturale fluctue de manière parfois abrupte et où un violoncelle rugueux vient se fondre dans les manipulations électroniques.
A cela s’ajoutent quelques propositions plus fidèles à la prise de son brute ou, au contraire, davantage versées dans la mise en scène conceptuelle. Collectivement, ces réalisations couvrent un vaste champ et permettent à l’auditeur de le survoler, même en absence de système sonore multicanal (certaines pièces ont été initialement conçues pour une configuration en 7.1). Elles sondent également une petite partie du vivier de la musique acousmatique et démontrent qu’il est actuellement des plus fourmillants, « swarming » dirait-on en anglais !
jcg, 2011, http://scalatympani.blogspot.fr/


À l’initiative de deux musiciens, le Français Éric La Casa et l’Australien Philip Samartzis, s’est tenue l’été dernier à Melbourne une rencontre entre artistes sonores issus des deux pays. Les installations sonores se partageaient deux espaces, le Project Space et le West Space. Cette compilation en est le témoignage. La mise en espace, incluant forcément un effet visuel pour les auditeurs mis en situation, est, bien entendu, absente de cet enregistrement. Cela est sans doute dommage car la simple écoute de l’enregistrement ne permet pas vraiment d’isoler l’un ou l’autre artiste, dans la mesure où les extraits ici, entre quatre et sept minutes ne permettent guère d’individualiser les contributions. Il y a une sorte de continuum sonore permanent concocté par les 12 intervenants, tel un cadavre exquis – peut-être volontairement mis en œuvre par les éditeurs de l’enregistrement – au-delà des pratiques propres à chaque contributeur : diverses manipulations électroniques à partir de paysages sonores, issus en ce qui concernent les Australiens aussi bien d’Amazonie (“Mamori Spectre” de Camilla Hannan) que d’Estonie (“Vald”, de Tarab) ou d’Islande (“Hellnar and Jökulsarion, Iceland 6-9 April 2008” de Geoff Robinson), voire, quand même des Nouvelles Galles du Sud (“Insect Woman” de Philip Samartzis). Les Français, quand ils ont recours aux paysages sonores, en restent à l’environnement de leur pays : le Lac d’Annecy pour Jean-Luc Guionnet, la banlieue parisienne pour Eric La Casa (“Zone sensible”). Il y a aussi une tentative de redessiner (c’est souvent le cas de ce genre d’installation) un environnement personnel (“Room Field” de Thomas Tilly) ou géologique (“Non solo-ButtesTémoins” de Marc Baron et JL Guionnet).
pierre durr http://www.revue-et-corrigee.net/?v=chroniques&a=2010&m=9